Réseau H+, nos valeurs et principe

Aujourd’hui, dans nos sociétés sécularisées, on voudrait réduire le halal à une simple « technique d’abattage », une norme froide dont les industriels s’accapareraient. Pourtant abattre rituellement un animal pour s’en nourrir n’est pas seulement une « technique » ou une des multiples étapes dans la chaine de production du halal. C’est un acte lourd de sens

Déclaration de principe et des valeurs

Les acteurs musulmans de la chaine du halal s’efforcent tant bien que mal de répondre aux contraintes liées au contexte industriel. Il leur est demandé de répondre à la demande des consommateurs tout en conciliant le respect du rite, le respect du cadre législatif et les contraintes liées à la production industrielle.

Lors de ces efforts d’« adaptations », certes compréhensibles, la question du sens et la question spirituelle sont trop souvent délassées. L’intégration du halal dans le contexte industriel nous impose de remettre au centre de nos préoccupations la question du sens et du rapport à l’animal. L’enjeu est double :

  • D’une part, on ne peut plus continuer à se limiter de donner des réponses au cas par cas sans rappeler le cadre religieux général. S’attacher formellement au rituel et trahir les principes qui les sous-tendent, c’est trahir notre spiritualité en préservant les apparences.
  • D’autre part, dans le cadre de nos valeurs et au nom de ces mêmes valeurs, il est de notre devoir de s’interroger sur la chaine de production industriel de la viande (dans lequel on voudrait intégrer l’abattage rituel). Sur son aspect productiviste, en particulier, qui impose des cadences folles et des comportements indignes vis à vis des animaux et des salariés de ces centres de production.

Aujourd’hui, dans nos sociétés sécularisées, on voudrait réduire le halal à une simple « technique d’abattage », une norme froide dont les industriels s’accapareraient. Pourtant abattre rituellement un animal pour s’en nourrir n’est pas seulement une « technique » ou une des multiples étapes dans la chaine de production du halal. C’est un acte lourd de sens.

Comprendre le Halal dans le cadre du paradigme islamique

Parmi les finalités qui définissent le paradigme islamique, figure le respect de la vie et de notre environnement. Ainsi, le croyant ne se considère pas comme « propriétaire » de l’univers qui l’entoure mais comme simple « gestionnaire ». Dieu a, certes, élevé l’homme en lui octroyant cette gérance. Mais cela implique aussi des responsabilités, des « comptes à rendre ».

L’animal, élément de cette création, n’est donc pas un « bien » ou qu’une « marchandise » qu’on pourrait user et abuser, c’est un être vivant dont Dieu nous a donné la responsabilité de gérer. Dans ce cadre-là, et dans les strictes limites que le Très Haut nous fixe, Dieu nous permet d’abattre et de nous nourrir de cet animal.

C’est le sens du bismillah (Au nom de Dieu) prononcé par le croyant lorsqu’il s’applique à saigner la bête. Quand il déclare qu’il abat la bête dans le « rappel de Dieu », c’est pour rompre avec l’insouciance que tente de nous imposer le rythme de nos sociétés modernes. C’est refuser la banalisation de l’acte d’abattage. C’est aussi se rappeler le sens de notre existence, et se souvenir que « nous appartenons à Dieu et que vers Lui sera notre retour ». C’est enfin se rappeler de notre responsabilité vis à vis de cet animal, et que si nous attentons à sa vie nous le ferons dans les limites éthiques que Dieu nous a imposés.

Le sens de l’abattage rituel : un appel à notre responsabilité

Ainsi, l’application scrupuleuse des rites de l’abattage rituel n’est là que pour venir confirmer notre adhésion, pleine et consciente à ces impératifs spirituel et éthique. Au-delà des enjeux économiques et politiques, ce sera d’abord sur ce point fondamental que constituera le grand défi du halal dans les sociétés industrielles.

C’est donc de la responsabilité du consommateur croyant de s’interroger sur le contenu de son assiette car c’est notre insouciance au quotidien qui nous rend coresponsable d’un monde dépourvu de tout sens éthique. Et c’est aussi de la responsabilité de tout acteur croyant de la chaine de production du halal, de rappeler, au-delà du rite et au-delà des considérations commerciales, l’acte éminemment spirituel du halal et refuser de se laisser enfermer dans des logiques productivistes et consuméristes.

Le Halal : une adoration

Le halal est étymologiquement le licite et tout ce que Dieu a permis à l’Homme de faire, dire, consommer, …. Ainsi pour connaître le halal, il faut se référer aux enseignements du Créateur. Mais avant de chercher à connaitre ces préceptes, il est important de comprendre le sens des enseignements divins endogènes au halal.

L’objectif de toute règle en Islam est d’aider le croyant à cheminer vers Dieu : « Dieu ne veut pas vous imposer de gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire sur vous Son bienfait. Peut-être serez-vous reconnaissants. » [Coran 5/6]

Le Halal, une spiritualité

Ainsi, rechercher le halal dans ses actes, ses paroles ou sa consommation est avant tout une démarche spirituelle qui permet au croyant de se rapprocher de son Seigneur. Le Prophète (paix et salut sur lui) évoque en ce sens, le cas d’un homme ayant perdu sa monture en plein désert, lors d’un long voyage. Comportant des signes d’ascèse laissant présager qu’il sera facilement exaucé, il tend alors ses mains au ciel et implore Dieu. Mais le Prophète (psl) demande : « … Comment peut-il être exaucé alors que sa nourriture est illicite, que sa boisson est illicite, que son habillement est illicite, et qu’il a été nourri d’illicite ? » [Muslim, Tirmidhî et Ahmad]

Le Prophète met en exergue la relation entre la dimension spirituelle et physique. Comment donc avoir une relation spirituelle saine si tout ce qui nous entoure, ce que nous disons, et ce que nous consommons est fait d’illicite ? Certains versets du Coran prolonge cette idée que les œuvres pieuses et la consommation halal sont liés : « Ô Messagers ! Mangez de ce qui est pur et faites des bonnes œuvres. » [Coran 23/51]

Surconsommation, inégalités et risques sanitaires

Nous vivons dans une société de consommation où tout pousse à consommer davantage. La majorité des musulmans, comme nombre de leurs concitoyens subissent ce consumérisme ambiant. Pourtant, dans la Tradition islamique, nous avons cet appel à modérer notre consommation de viande. Yahya ibn Sa’id rapporte que Umar ibn al Khattab a dit : « Evitez de manger trop de viande, car elle peut être aussi néfaste que le vin. [dans le sens: elle peut rendre aussi dépendant que le vin] »

Dans le monde, 65 % des céréales produites sont destinées aux animaux d’élevage[1] (En France, c’est 80 % ![2]). Alors que l’on connait les problèmes d’accès à l’eau dans beaucoup de pays, il faut savoir que pour consommer 1 kg de viande, il faut utiliser 15 000 litres, contre 2 000 litres pour un kg de riz. C’est donc tout un système de production à l’échelle internationale qui est conçu pour répondre égoïstement à nos besoins en viande au dépend des populations du Sud. Plus d’un milliard d’être humain souffrent de faim dans le monde, soit une personne sur six. Pourtant la production mondiale de céréales permettrait de combler les besoins nutritionnels de la planète, sans cette surconsommation de viande.[3]

De plus, pour répondre à cette surconsommation, l’élevage intensif, avec un recours massif aux antibiotiques et aux hormones, favorise le développement de bactéries telles que la Salmonella et le Campylobacter, et la recrudescence de certaines affections comme le Staphylococcus Aureus et l’E. Coli Chaque année, 80 millions de cas d’intoxications alimentaires dues à la viande sont recensés aux Etats-Unis (plus gros consommateur avec 124 kg/personne/an) et plus d’un million de personnes en meurt dans le monde. Les traitements antibiotiques deviennent de plus en plus inefficaces chez les humains.

La question du bien-être animal et du respect du créé

En France, plus de 80% des animaux de ferme sont élevés en bâtiments fermés, parqués en cage ou sur des caillebotis sans accès à l’extérieur.[4] Dès le début de leur vie, des mutilations sont pratiquées pour « adapter » les animaux à la claustration, à la surpopulation des élevages ou au goût des consommateurs : écornage, épointage des becs ; dégriffage des pattes des poules et des canards, etc… Les animaux peuvent être transportés sur de longues distances qui sont de grandes sources de stress. Nombre d’entre eux en meurent. Les impératifs de rentabilité et de productivité priment toujours au-delà de toute considération éthique.

Conclusion : le Halal, d’abord un rappel

Ainsi, l’être humain dans son activité productive et sa consommation ne peut plus continuer à outrepasser certaines limites dans le traitement du vivant. On voit aujourd’hui toutes les conséquences de nos excès. Les Textes de l’islam règlementent de manière assez précise l’abattage, cela n’est pas seulement une contrainte d’un rite qui devrait s’adapter à nos réalités modernes ; cela doit être considéré comme un rappel à notre spiritualité, à notre sensibilité et à notre intelligence afin que nous apprenions à changer notre manière de produire et de consommer.

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