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2019-03-06 0 Comments

Dans quelles conditions sont élevées les poulets halal en 2019 ?

Entre les années 1930 et les années 1990, le poulet industriel devient deux fois plus gros, en deux fois moins de temps, avec deux fois moins de nourriture. Cette évolution est le résultat d’un processus d’industrialisation qui a commencé aux États-Unis et qui s’est étendu à toute la planète.

Pour faire le poulet industriel, il a tout d’abord fallu augmenter la concentration : le poulet, que l’on élevait en extérieur jusqu’au début du xxe siècle, vit désormais en intérieur. Malheureusement, les poulets confinés et à peu près immobiles en intérieur pendant des semaines ont tendance à développer une forme de rachitisme. Dans les années 1920, plusieurs travaux ont montré que l’on pouvait éviter ces affections en modifiant l’alimentation des poulets et en les soumettant à des lampes UV. Ces travaux ont permis de développer l’élevage intensif et d’envisager des formes de plus en plus extrêmes de concentration.

Des outils pharmaceutiques ont ensuite été utilisés contre les maladies les plus courantes, permettant de maintenir des concentrations élevées sans faire périr l’ensemble du cheptel. On se rend aussi compte que l’addition d’antibiotiques à l’alimentation constitue un accélérateur de croissance très bon marché. Malgré l’émergence de souches microbiennes résistantes, cette consommation d’antibiotiques est devenue incontournable pour l’économie du poulet.

Enfin, il a fallu changer radicalement l’alimentation du poulet industriel. La combinaison entre maïs et soja permet d’obtenir une croissance rapide à moindre coût. Ces deux plantes se sont alors imposées comme deux piliers de l’alimentation animale.

Le poulet, considéré au siècle dernier comme un plat exceptionnel, est aujourd’hui la première viande consommée aux États-Unis : chaque Américain en consomme en moyenne 45 kg par an ; en 1945, c’était tout juste 2,3 kg.

Au cours des années 1930, les consommateurs qui ne veulent plus gérer l’abattage ou sont moins regardants sur les rituels vont progressivement remplacer la consommation de poulet vivant par un produit standard : un poulet prêt à l’emploi, non seulement tué et plumé mais aussi éviscéré.

Au début des années 1960 le poulet se vendait encore principalement entier aux États-Unis (à 83 %), un conditionnement qui ne représentait plus que 14 % en 1995. Aujourd’hui, l’essentiel du poulet consommé aux États- Unis et en Europe l’est sous des formes fragmentaires et transformées. Cela a rendu le poulet plus profitable, créant de la valeur ajoutée sur un produit aux marges très serrées. L’industrie du fast-food deviendra l’un des premiers utilisateurs mondiaux de poulet notamment avec les emblématiques « nuggets » qui sont aujourd’hui la forme standard de consommation de poulet aux États-Unis.

Malgré des avancées importantes en termes de mécanisation, l’industrie du poulet est restée un très gros employeur. Les salaires y sont parmi les plus bas ; les taux d’accident y ont toujours été particulièrement élevés ; le turnover y est spectaculaire (jusqu’à 100 % par an), les employés ne tenant jamais très longtemps face à la fatigue, aux accidents et aux maladies résultant des opérations répétitives et dangereuses.

Article résumant l’article de FRÉDÉRIC GRABER (CNRS-Paris) « Du cobaye aux nuggets »[1]


[1] https://journals.openedition.org/ethnoecologie/3329

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